BLURAY : LES HOMMES DU PRESIDENT, d'Alan J. Pakula


Initié et porté contre vents et marées par Robert Redford, "Les Hommes du Président" est aujourd'hui un classique du cinéma. Réalisé par Alan J. Pakula en 1975, il retrace avec une précision diabolique l’enquête que Bob Woodward et Carl Bernstein, journalistes au Washington Post, ont mené suite à l'arrestation de 5 cambrioleurs au siège du parti démocrate américain. Leurs investigations les mèneront à porter au grand jour les méthodes illégales employées par le gouvernement en place de Richard Nixon, poussant celui-ci à la démission.
Il est dur d'imaginer aujourd'hui les difficultés et le courage qu'il fallait avoir pour porter à l'écran cette histoire, à peine 2 ans après les événements réels qu'il raconte : certains procès étaient encore en cours quand Redford, acteur/producteur engagé, contacta la Warner afin d'obtenir le financement de l'adaptation à l'écran le scandale du Watergate. Le studio accepta à 2 conditions : que Redford en soit le héros, et que tous les faits mentionnés soient juridiquement inattaquables, afin de protéger le studio d'éventuelles poursuites que pourraient engager les intervenants réels impliqués dans les évènements relatés. 
L'acteur accepta bien volontiers d'incarner Woodward, mais recruta Dustin Hoffman comme co-vedette afin de ne pas cannibaliser l'écran. L'anglais John Schlesinger, premier choix de Redford pour réalisé le film, se désista, estimant que cette incroyable scandale politique devait être filmé par un américain; Alan J. Pakula, fort du succès de "A cause d'un assassinat", thriller journalistique et politique interprété par Warren Beatty et sorti en 1974, fut engagé, et le projet officiellement lancé. William Goldman, célèbre et éminent romancier et scénariste de l'époque, accepta d'écrire le scénario riche en révélations, et pour la mise en image complexe et naturaliste, Pakula embaucha son fidèle collaborateur, le directeur de la photo Gordon Willis, sur le devant de la scène depuis son travail sur "Le Parrain" de Coppola.

Afin de coller au plus prêt de la réalité, le décor principale, la salle de rédaction du Washington Post, fut recréée à l'identique (il avait été décidé dans un premier temps de tourner dans les véritables locaux du journal, mais les journalistes au travail voyaient leurs journées perturbées par le tournage), et autant que faire se peut, tous les lieux ou s'étaient passés la véritable histoire furent réutilisés. Il en découle un film ou tout fait vrai....car tout l'est : par exemple, le gardien de nuit qui découvrit l'effraction dans les bureaux du Watergate joue son propre rôle !
Tous les acteurs, des vedettes aux simples seconds rôles, sont habités par leurs personnages et sont bluffants : l'énergie déployée transpire dans chaque scène, offrant une qualité d'interprétation rarement égalée ((le trio Redford/Hoffman/Robards en tête). De plus, les difficultés à retranscrire toute l'avancée de l'enquête (personnages à foison, conversations téléphoniques et interviews nombreuses, etc...) sont parfaitement gérées par Pakula, qui choisit une mise en scène dynamique et rythmée, sans temps morts. Bien que l'issue soit connue, il arrive à tenir en haleine les spectateurs grâce à de petites touches de suspens utilisées avec soin (Redford se sentant épié après sa rencontre avec Deep Throat), et qui feront école dans les années suivantes (David Fincher utilisa nombre d'astuces scénaristiques et de mise en scène déployées par Pakula pour son "Zodiac").


"Les hommes du Président" est aujourd'hui unanimement reconnu pour son réalisme et sa fidélité à l'histoire avec un grand "H" (il est même diffusé dans les écoles américaines de journalisme), et fait parti des grands films "paranoïaques" des années 70.
Pourrait-on aujourd'hui traiter au cinéma un tel évènement aussi peu de temps après son déroulement? Je ne le pense pas, les studios étant désormais plus frileux, et préférant dorénavant aborder certains sujets avec un recul bien plus important.
Sans jouer la carte du "c'était mieux avant", le Hollywood engagé de cette époque avait beaucoup moins peur de traiter des sujets sensibles, et n'hésitait pas à s'engager sur des terrains bien moins consensuels que ce qui se fait aujourd'hui.

Le bluray édité par Warner vaut surtout pour ses suppléments passionnants : un documentaire revenant sur l'affaire du Watergate ainsi que sur le tournage du film; un commentaire audio (hélas pas sous-titré) de Robert Redford, et des modules concernant les vrais journalistes et l'indicateur qui les renseigna durant leur enquête.
Coté son et image, cette édition s'en sort tout juste : l'image est souvent granuleuse et pixelisée, avec même parfois quelques plans flous; le son (mono d'époque) est net, mais manque cruellement de dynamisme.

La bande annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=vLt6djxhNe8

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