BLURAY : ZODIAC de David Fincher


Attention spoilers ! Il est préférable d'avoir vu le film avant de lire ce post.

David Fincher est dans le top 5 de mes réalisateurs préférés. Le mec est tout simplement un génie, un des meilleurs en activité, et n'a pas réalisé selon moi un seul mauvais film en plus de 20 ans de carrière. Certes il peu de films au compteur, mais Fincher est connu pour les longues recherches et périodes de pré-production qu'il effectue afin d'offrir aux spectateurs le film le plus parfait possible selon ses critères drastiques.
Son dernier, "Gone Girl" avec Ben Affleck, sortira en octobre prochain. Au vue de la bande annonce et des premières infos qui circulent, il y a fort à parier qu'il a tourné à nouveau un grand film, et le succès critique et publique sera à nouveau au rendez-vous.
Mais sera-t-il aussi bon que "Zodiac", que je considère comme son chef d’œuvre, le film parfait de sa jeune carrière (jeune car il ne tourne que depuis le début des années 90, fournissant  "seulement" 10 films là ou Spielberg et Ridley Scott en alignent 15 chacun)  ?

Il faut dire qu'avec son sixième long métrage, Fincher a atteint des sommets.
Le scénario, basé sur les livres que Robert Graysmith a publié, était fait pour lui : riche en rebondissements et documenté avec précicion (l'auteur, contemporain des évènements décrits, a passé près de 20 ans à enqueter sur les moindres détails entourant les meurtres et les travaux de recherche de la police). Fincher, alors ado à l'époque des faits, habitait San Francisco, et se rappelait parfaitement de l'affaire et du retentissement qu'elle avait dans les médias quand le tueur commença à communiquer par lettres interposées. Afin de s'immerger complètement et d'en connaitre sur le bout des doigts tous les tenants et les aboutissants, il travailla 18 mois à vérifier toutes les conclusions de Graysmith, et retrouva les intervenants clés encore vivants (témoins et flics) pour les valider.

Plutôt que de d'adapter les faits aux normes hollywoodiennes en se focalisant sur un seul voir un duo d'investigateurs, ce qui est généralement la norme dans les films policiers, Fincher et son scénariste James Vanderbilt ont choisit de respecter totalement la progression réelle de l'enquête. Ainsi, dans le film, elle est menée par 3 personnages principaux :
  • Paul Avery, qui était à l'époque le journaliste star du San Francisco Chronicle
  • Robert Graysmith, dessinateur-illustrateur au même journal
  • David Toschi, l'inspecteur en charge de l’enquête (et accessoirement le flic qui fut embauché par Peter Yates pour conseiller et coacher Steve McQueen sur le tournage de "Bullitt")



A tour de rôle, ils cherchent à découvrir qui est ce tueur maniaque qui durant plus de 10 ans terrorisa San Francisco et ses environs en abattant de sang froid des inconnus. Chacun sera obsédé par faire aboutir l'enquête, et en payera le prix.
C'est d'ailleurs le thème commun aux 3 films que Fincher a réalisé et qui traite de la traque d'un tueur en série ("Se7en", "Zodiac" et "Millénium : Les Hommes Qui N'aimaient Pas Les Femmes") : l'obsession de ses personnages principaux à résoudre une enquête quel qu’en soient les conséquences, et donc le coût inévitable d'un tel acharnement.
Dans "Zodiac", histoire vraie oblige, le tribu payé est plus réaliste, contrairement aux 2 autres volets de cette "trilogie de l'horreur"; par ce qu'ils pouvaient tout se permettre, les scénaristes ont pu et su inventer dans le macabre et le malsain : dans "Se7en" la femme enceinte de l'inspecteur Mills/Brad Pitt finie décapitée et sa tête utilisée comme moyen de pression par le tueur en série pour obtenir gain de cause. Dans "Millénium", le journaliste Blomkvist/Daniel Craig vit une véritable descente aux enfers aboutissant à un sacré quart d'heure dans la salle de tortures du psychopathe qu'il pourchasse. Reste que le prix payé par les 3 héros enquêtant sur les meurtres du Zodiac n'en est pas moins cher :
  • Avery, cramé par ses excès de drogues et d'alcool, perd son job et ira bosser pour une gazette locale.
  • Toschi, seul policier a ne jamais avoir abandonner les recherches, sera démis de ses fonctions car faussement suspecté d'avoir écrit lui-même certaines des lettres du tueur. 
  • Graysmith, personnage central du métrage et qui reprend les recherches après le départ d'Avery, mènera ces investigations à terme et découvrira l'identité du tueur, mais cette obsession lui coutera son travail et son mariage.
Pour incarner ce trio, le réalisateur a réuni le casting idéal. Même s'il affiche un humour cynique certain et a l'assurance d'un reporter à qui on ne peut rien refuser, Paul Avery sera très vite dépassé par l'ampleur des évènements et abdiquera, effrayé par les courriers menaçants que lui adresse le tueur. Robert Downey Jr apporte toute se "coolitude" et son charisme au personnage; un second rôle parfait, ou il bouffe littéralement l'écran à chacune de ses apparitions.
A l'opposé, le dessinateur Robert Graysmith est un introverti complet au mal être évident. Jake Gyllenhaal, par son physique ici peu mis en valeur voir relativement banal, rend son interprétation complètement crédible. Petit à petit, il prend de l'importance, et commence à afficher une assurance, volontairement mise de coté par Fincher pendant la première partie de son film, qui lui faisait défaut au début. Ce sera même à travers son investigation que le réalisateur décide de montrer aux spectateurs les indices menant au tueur, après avoir développer plusieurs fausses pistes dans l'heure et demi précédente. Gyllenhaal affiche ici  une froideur relationnelle nécessaire à son personnage, qui prouve la maitrise de son jeu. Il réutilisera d'ailleurs ce jeu introspectif dans le sombre et très réussi "Prisoners" de Denis Villeneuve, polar qui rappelle par bien des aspects le film de Fincher.
Bien qu'il tourne depuis la fin des années 80, Mark Ruffalo n'avait pas encore réussi jusqu'ici à démontrer tout son talent dans un film grand public. Dans "Zodiac", il bouffe l'écran. Il apporte, par petites touches savamment choisies, une vraie humanité au flic intègre bien décidé à mener sa mission à terme, qu'il interprète. Que ce soit dans la scène de l'interrogatoire d'Arthur Leigh Allen ou dans celle du restaurant (en fin de métrage, lorsqu'il décide enfin d'aider Gyllenhaal/Graysmith à conclure ses recherches), Ruffalo laisse peu de place à ses partenaires, volant les séquences par son jeu carré.

Tous les seconds rôles, Brian Cox, John Caroll  Lynch (juste énorme en principal suspect !), Elias Koteas, Cloe Sevigny, Donald Logue ou Anthony Edwards, sont judicieusement choisis, et tous parfaits dans leurs rôles respectifs.


Avec "Zodiac", Fincher poursuit encore ses expérimentations cinématographiques, mais sans en faire trop. Pour lui, l'avancée et la compréhension de l'histoire sont primordiales : des effets techniques de mises en scène trop démonstratifs, ou bien des plans trop appuyés sur la reconstitution impeccable et exemplaire du San Francisco des années 70 qu'il a obtenu, auraient forcément dénaturer son propos. Ici, il s'est fait plus sobre (Fincher a cité avoir eu comme référence de mise en scène "Les Hommes Du Président" de Pakula), mais s'octroie quand même de nombreux plans techniquement majestueux, prouvant encore qu'il est un des meilleurs réalisateurs en activité. Par exemple la course du taxi vue du dessus, la rencontre entre Gyllenhaal et un témoin important dans le sous-sol d'une maison de banlieue, et surtout le deuxième meurtre intervenant après 15 minutes de métrage. Dans cette scène, sans effets gore, mais par le biais d'angles de caméra choisis avec soin, il arrive à créer une tension puis une peur tétanisante, filmant en gros plans les visages apeurés du couple poignardé (et reproduisant même un plan iconique de "Se7en" : le tueur, flou en arrière plan, pointant son arme face la caméra).
Bien que d'une durée de plus de 2h40 (le bluray propose une version remontée par Fincher, plus longue de 5 mns que celle vue en salles), on ne voit absolument pas le temps passer. "Zodiac" est si riche en révélations et en rebondissements qu'il arrive à tenir en haleine sans aucune scène d'action ! Car aussi incroyable que cela puisse paraitre, il n'y dans ce film aucune scène de poursuite en voiture, ni même de fusillade. Simplement les investigations de 3 enquêteurs à la recherche de la vérité.


Le bluray édité par Warner est de très haute qualité : le rendu visuel est à tomber, avec des images d'une précision exemplaire. Le son, peu riche en effets démonstratifs hormis la musique, est très clair dans la retranscription des ambiances.
La partie bonus est primordiale : un commentaire audio très technique du réalisateur (hélas sans sous-titres français, comme généralement chez cet éditeur), un making of, et de nombreux modules sur la préparation et le tournage.
Mais le morceau de choix des suppléments, ce sont les 2 documentaires concernant les faits historiques développés dans le film : "Allô, Ici Zodiac", d'une durée d'1h40, est un retour complet sur la véritable histoire, indispensable pour qui s’intéresse au sujet; "Mon Nom Est Arthur Leigh Allen" (40 mns) revient sur la personnalité trouble du suspect principal, sous la forme d'un portrait glaçant.

"Zodiac" est un des mes films préférés, que je revois régulièrement; Fincher fait la preuve ici de son talent indéniable, et livre un des meilleurs polars jamais tournés, exemplaire dans son soucis du détail et du respect historique. Un film que je peux revoir en boucle sans me lasser...Un chef d’œuvre  total, quoi !

La bande annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=flSl1eONbz0

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