HERCULE de Brett Ratner


Ce qui est bien, en allant voir un film de Brett Ratner, c'est qu'on sait qu'on va être déçu.
Le gars aligne 10 films en un peu plus de 15 ans, dans des genres aussi différents que la comédie, le thriller, ou le film de super-héros, embauche certaines des plus grosses stars d'Hollywood, joue avec des dizaines de millions de $ ("Rush Hour 3" a été tourné pour 140 millions...140 millions !!!!), et à l'arrivée, il arrive toujours à se planter; il a même l'insigne honneur d'être le réalisateur en activité le plus détesté : c'est simple, à chaque fois qu'il est cité sur un projet, et il y en a eu un paquet, tout internet s'enflamme et crie au sacrilège et à la trahison !
Bizarrement, Ratner est connu pour être un cinéphile passionné et érudit, citant aussi bien Cassavetes, Kubrick, Polanski, De Palma, que Scorcese. Sa passion du cinéma d'auteur transparait dans les interviews qu'il donne, et ses intentions de réalisateur sont toujours bienveillantes. Le problème vient tout simplement des scénarios qu'il tourne et surtout de son inaptitude à donner de l'envergure à ses films, bousillant  quasi systématiquement ses projets. Par contre, ses choix de producteur reflètent beaucoup plus ses envies de cinéma : il a produit de nombreux documentaires sur le cinéma, et finance aussi bien le dernier Clint Eastwood, "Jerseys Boys", que le prochain Alejandro Gonzàles Inarritu ou la première réalisation de Russell Crowe sur la bataille de Gallipoli. Dur donc de détester totalement Brett Ratner; lui laissant même régulièrement une "nouvelle" seconde chance, j'ai été voir en salle son "Hercule"; mais hélas c'était la dernière fois, car ça ne le fait toujours pas...

Le réalisateur commet une erreur monumentale avec son long métrage en ne remontant pas aux sources de la légende. Il ne raconte pas l'histoire connue d'Hercule, mais adapte un comics de Steve Moore, ou, de retour à Athènes après avoir accompli ses douze travaux, le demi-dieu Hercule s'est vu accusé d'avoir décimé sa famille; en fuite, il est engagé par le roi de Thrace afin de former une armée et repousser des envahisseurs qui souhaitent renverser le trône.
Même si l'histoire des douze travaux a déjà été vue maintes fois, c'était souvent dans des films fauchés (dont une production très Z de la Cannon avec Lou Ferrigno), des téléfilms et des séries tv ringards, ou dans des péplums italo-espagnols à la grande époque du genre. Il y avait indéniablement possibilité ici d'offrir une blockbuster épique, et de tourner une version spectaculaire et modernisée du mythe d'Hercule. Mais Ratner choisit ici de le résumer en quelques minutes en début de film, et de se focaliser sur l'après (ce qui rend donc la bande annonce complètement mensongère, elle qui induisait que les travaux étaient le sujet du film), soit dans un premier temps la déchéance d'Hercule, devenu simple soldat qui se met au service du plus offrants, puis enfin l'acceptation de sa condition de demi-dieu. Sur le papier, ça le fait peut-être, mais tourné par Brett Ratner, l'idée ambitieuse du début laisse très vite place à une accumulation de séquences d'action mollement filmées (le gars n'est vraiment pas doué pour tourner de telles scènes; il n'y a qu'à voir ce qu'a donné sa vison d'X-Men : une bouillie bourrine !) entrecoupées de moments qui se veulent dramatiques (son traumatisme d'avoir découvert sa femme et ses enfants massacrés, ses doutes sur la légitimité de son combat, l'absence du père, la reconstruction d'une famille avec ses compagnons d'armes...Oui oui, tous ces sujets sont à peine effleurés alors qu'il y avait matière !) mais qui virent presque à la parodie tant ils sont maladroitement amenées.
The Rock souhaitait interpréter le rôle titre depuis longtemps; Dwayne Johnson, de son vrai nom, a déjà prouvé qu'il peut être bon acteur (il est juste énorme dans "Pain & Gain" de Michael Bay), et le rôle titre étant taillé pour lui, on pouvait légitimement espérer qu'il serait pour sa carrière ce qu'a été Conan pour Schwarzi...Hélas, le scénario démystifiant le mythe d'Hercule dans toute sa première partie, il n'a pas grand chose à jouer, et il faut attendre la dernière demi-heure pour le voir réellement à l’œuvre, tant physiquement que psychologiquement.
Comme si le réalisateur ne croyait pas que son personnage principal se suffise à lui-même, il l'a entouré d'une bande de compagnons maladroitement caractérisés, dont une amazone, un devin, son neveu au brushing impeccable, et un guerrier mutique et sauvage. Hercule ne serait donc que le leader d'une bande de mercenaires en mal d'aventure, et non pas le valeureux guerrier légendaire, fils de Zeus, qui accomplit des actes surhumains..

Techniquement, le film est bien foutu : belle photo; effets spéciaux, décors et costumes nickels. Mais ça ne le sauve pas du naufrage, car c'est la moindre des choses que de rendre un métrage joli quand on a 100 millions à dépenser !
 "Hercule" est donc une série B de luxe frôlant le nanar, réalisée par un metteur en scène opportuniste voulant surfer sur la vague du péplum (relancée par le "Gladiator" de Ridley Scott, puis le "300" de Zack Snyder") mais qui se fourvoie et surtout trompe son public en ne respectant pas le matériau d'origine, prouvant ainsi que ses détracteurs ont raison : c'est un mauvais, point barre...!

La bande annonce :

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