LES ANGES DE LA NUIT de Phil Joanou
Les films qui alignent le casting parfait, un réalisateur qui en veut et qui a tout a prouvé, un scénario ambitieux et une technique impeccable ne se comptent pas par centaines... "Les anges de la nuit" rassemble tous ces éléments, en faisant selon moi un des tous meilleurs polars jamais tournés, et est pourtant toujours aussi méconnu 25 ans après sa sortie confidentielle.
A l'époque, la saison estivale n'était pas la période préférée des distributeurs mais plutôt celle des ressorties de classiques; quelques polars ou comédies déboulaient péniblement et sans publicité sur les écrans, noyés entre une paire de "James Bond" et autres Disney. L'avènement du blockbuster estival n'arriverait que quelques années plus tard, changeant durablement le paysage cinématographique mondial.
MGM sacrifia donc "State of grace" un mercredi de juillet 1991, ne sachant pas trop quoi faire de ce polar qui fit un four à sa sortie américaine 10 mois plus tôt. On était à peine 4 ou 5 dans la salle qui diffusait le long-métrage sur les Champs-Élysées au premier jour, et je soupçonnais même certains spectateurs d'être venu là uniquement pour chercher un brin de fraicheur...
J'avais repéré Phil Joanou 2 ans plus tôt en allant voir "U2 : rattle & hum", son excellent documentaire/concert de la tournée Joshua Tree de U2; un film scotchant, énorme et dynamique, et qui faisait danser les spectateurs entre les fauteuils (un fait rare pour moi et vu de mes propres yeux au cinéma Paramount Opéra !). J'avais aussi pu découvrir son premier film en VHS, "3 heure, l'heure du crime" un très chouette teen movie produit par Spielberg himself et qui affichait de sacrées ambitions cinématographiques (dont une superbe photo de Barry Sonnenfeld). Bref, le Joanou je l'attendais au tournant, et je n'ai pas été déçu !
Unique scénario de Dennis McIntyre, auteur de pièces de théâtre décédé peu avant la sortie du film, "Les anges de la nuit " raconte l'histoire de Terry Noonan, qui est de retour dans son quartier natal new-yorkais de Hells Kitchen après 12 ans d'absence. Il renoue avec Frankie et Jackie Flannery, ses potes d'enfance devenus respectivement chef et bras armé du gang mafieux irlandais local, ainsi qu'avec leur sœur Kathleen. Mais Noonan est en fait flic, infiltré pour faire tomber le gang qui est en tractation pour s'associer aux mafieux italiens.
Raconté comme ça, on a l'impression d'un polar basique au scénario déjà vu 1000 fois, mais il n'en est rien : Joanou livre un long-métrage à la classe folle et à l'ambiance lourde, et a réuni un trio d'acteurs en or : Sean Penn portait véritablement pour la première fois un film sur ses épaules, après une décennie à partager l'affiche au coté des plus grands, et laissait éclater là tout son talent (son Terry Noonan est pétri de doutes et de peurs, tiraillé entre ses devoirs de policier et ses sentiments pour la famille Flannery). Suivront, juste après, sa première réalisation, le sous-estimé "Indian runner", puis "L'impasse", "La dernière marche" et "She's so lovely" , soit là 4 œuvres magnifiques et fondatrices pour l'acteur/réalisateur.
Gary Oldman avait débarqué aux États-Unis 2 ans auparavant, fort de ses premiers succès en Angleterre ("Sid & Nancy" et "Prick up yours ears"), et trouvait là le film idéal pour faire connaitre tous ses talents de comédien : violent et colérique, Jackie Flannery est un chien fou parfois incontrôlable qui peine à exister dans l'ombre de son frère Frankie; Oldman, avec une précision folle et un jeu tout en finesse, en fait un tueur auto-destructeur terriblement attachant. Du grand art !
Ed Harris est Frankie, un chef de gang certes ambitieux mais au costume bien mal taillé pour lui, qui veut jouer dans la cour des grands mais est perpétuellement dépassé par les évènements. Harris (qui sortait juste du tournage mouvementé de "Abyss" et remplaçait au pied levé Bill Pullman; premier choix de Joanou, Pullman n'arriva pas à convaincre le réalisateur lors des répétitions) y est grand et magnifique, et son jeu subtil ne dépareille pas face au duo Penn/Oldman.
Ce trio 4 étoiles est entouré de sérieux acteurs de seconds plans : Robin Wright (qui sortait juste du soap "Santa Barbara" et n'avait à son actif que le rôle de la princesse du "Princess bride" de Rob Reiner), John Turturro, Burgess Meredith, John C. Reilly (dont c'était le 3ème en 2 ans avec Sean Penn !) et R.D. Call.
Raconté comme ça, on a l'impression d'un polar basique au scénario déjà vu 1000 fois, mais il n'en est rien : Joanou livre un long-métrage à la classe folle et à l'ambiance lourde, et a réuni un trio d'acteurs en or : Sean Penn portait véritablement pour la première fois un film sur ses épaules, après une décennie à partager l'affiche au coté des plus grands, et laissait éclater là tout son talent (son Terry Noonan est pétri de doutes et de peurs, tiraillé entre ses devoirs de policier et ses sentiments pour la famille Flannery). Suivront, juste après, sa première réalisation, le sous-estimé "Indian runner", puis "L'impasse", "La dernière marche" et "She's so lovely" , soit là 4 œuvres magnifiques et fondatrices pour l'acteur/réalisateur.
Gary Oldman avait débarqué aux États-Unis 2 ans auparavant, fort de ses premiers succès en Angleterre ("Sid & Nancy" et "Prick up yours ears"), et trouvait là le film idéal pour faire connaitre tous ses talents de comédien : violent et colérique, Jackie Flannery est un chien fou parfois incontrôlable qui peine à exister dans l'ombre de son frère Frankie; Oldman, avec une précision folle et un jeu tout en finesse, en fait un tueur auto-destructeur terriblement attachant. Du grand art !
Ed Harris est Frankie, un chef de gang certes ambitieux mais au costume bien mal taillé pour lui, qui veut jouer dans la cour des grands mais est perpétuellement dépassé par les évènements. Harris (qui sortait juste du tournage mouvementé de "Abyss" et remplaçait au pied levé Bill Pullman; premier choix de Joanou, Pullman n'arriva pas à convaincre le réalisateur lors des répétitions) y est grand et magnifique, et son jeu subtil ne dépareille pas face au duo Penn/Oldman.
Ce trio 4 étoiles est entouré de sérieux acteurs de seconds plans : Robin Wright (qui sortait juste du soap "Santa Barbara" et n'avait à son actif que le rôle de la princesse du "Princess bride" de Rob Reiner), John Turturro, Burgess Meredith, John C. Reilly (dont c'était le 3ème en 2 ans avec Sean Penn !) et R.D. Call.
2 noms m'avaient sauté aux yeux lors du générique du film :
Jordan Cronenweth à la photographie. Déjà complice de Joanou sur le documentaire autour de U2, Cronenenth avait été révélé quelques années auparavant par Ken Russel ("Au-delà du réel"), Ivan Passer ("Cutter's way") et surtout Ridley Scott pour qui il signa la magnifique photo de "Blade runner". Un curriculum vitae en béton donc, enrichi au milieu des années 80 par deux très beaux films avec Coppola : "Peggy Sue s'est mariée" et "Jardins de pierre". Après "Les anges de la nuit", il ne tournera plus qu'une fois (et toujours avec Joanou); ce sera le décevant "Sang chaud pour meurtre de sang froid", un polar hitchcockien ambitieux mais hélas raté. Bien que malade et secondé par son fils Jeff (devenu depuis le directeur de la photo attitré de David Fincher), il entamera le tournage de "Alien 3", mais sera remplacé par Alex Thompson au bout de quelques semaines.
Sa photo des "Anges de la nuit" est une des plus belles que j'ai vu sur grand écran : un cadre toujours parfaitement composé, embelli de subtils travellings et mouvements de caméra, et des plans nocturnes d'anthologie !
Ennio Morricone à la musique. Le compositeur, qui aligne plus de 500 bandes originales selon IMDb, signe là une partition superbe, qui sublime totalement le ton mélancolique insufflé par Joanou. Je ne suis ni un grand spécialiste de B.O.F., ni un fan fou furieux du bonhomme, mais c'est pour moi une de ses meilleures.
Sa photo des "Anges de la nuit" est une des plus belles que j'ai vu sur grand écran : un cadre toujours parfaitement composé, embelli de subtils travellings et mouvements de caméra, et des plans nocturnes d'anthologie !
Ennio Morricone à la musique. Le compositeur, qui aligne plus de 500 bandes originales selon IMDb, signe là une partition superbe, qui sublime totalement le ton mélancolique insufflé par Joanou. Je ne suis ni un grand spécialiste de B.O.F., ni un fan fou furieux du bonhomme, mais c'est pour moi une de ses meilleures.
Le réalisateur connait visiblement ses classiques du polar, et se réfère aussi bien à Jean-Pierre Melville que Coppola, Scorcese et même John Woo & Tsui Hark (pour les nombraux ralentis savamment disséminés tout au long du métrage et la tonalité générale de la scène finale).
Mais pour le montage de la scène finale, entièrement tournée en ralentis, c'est du coté de Sam Peckimpah qu'il se tourne. Noonan/Sean Penn traverse la parade de la Saint-Patrick, puis débarque armes en mains dans le restaurant ou se planquent Frankie/Ed Harris et ses sbires pour une fusillade d'anthologie; En alternant flingage, plans romantiques sur Robin Wright et plans généraux sur le défilé de la Saint-Patrick, Joanou signe là un travail d'orfèvre digne des plus grands, et préfigure avec un paquet d'années d'avance le style qu'on retrouvera dans de nombreux polars et films d'action américains !
Mais pour le montage de la scène finale, entièrement tournée en ralentis, c'est du coté de Sam Peckimpah qu'il se tourne. Noonan/Sean Penn traverse la parade de la Saint-Patrick, puis débarque armes en mains dans le restaurant ou se planquent Frankie/Ed Harris et ses sbires pour une fusillade d'anthologie; En alternant flingage, plans romantiques sur Robin Wright et plans généraux sur le défilé de la Saint-Patrick, Joanou signe là un travail d'orfèvre digne des plus grands, et préfigure avec un paquet d'années d'avance le style qu'on retrouvera dans de nombreux polars et films d'action américains !
Hélas, le réalisateur ne retrouvera plus vraiment cet "état de grâce" dans la suite de sa filmographie. "Sang chaud pour meurtre de sang froid" et " Vengeance froide" étaient des polars mous et ratés, "Entropy", bien qu'amusant et original, tournait un peu à vide, et "Redemption" avec The rock sentait le réchauffé. Reste son court-métrage hommage au Punisher, avec Thomas Jane, qui déménage vraiment... Mais c'est hélas peu...
Une édition bluray est prévue en Angleterre et aux États-Unis d'ici la fin de l'année; il n'y a pour l'instant qu'une seule version HD disponible, distribuée en Australie par l'éditeur Shock. La version diffusée sur TCM actuellement est de belle facture, mais la sortie enfin annoncée d'un nouveau master fin 2015 devrait mettre tout le monde d'accord !
comment ne pas "plussoyer" ?!
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