BLURAY : CREEPSHOW de George A. Romero

 

 Hommage direct aux B.D. éditées par EC Comics dans les années 50/60, "Creepshow" mérite amplement les louanges dont il bénéficie depuis sa sortie sur les écrans fin 82/début 83. Première réelle collaboration entre George A. Romero et Stephen King après le caméo de King dans le précédent film du réalisateur, "Knightriders", "Creepshow" réunit tous les ingrédients chers aux comics : horreur, humour, histoires segmentées, et surtout une imagerie fidèle aux planches de l'époque. En effet, Romero utilise ici une palette de couleurs et des effets dessinés propres à rappeler aux spectateurs l'attachement de son film à sa source. Un pari risqué car ces B.D. avaient eu fortes réputations en leur temps (avant d'être purement et simplement interdites, la censure de l'époque ayant un pouvoir plus important que de nos jours) mais étaient peu connues dans le reste du monde.

Stephen King étant un écrivain rompu à l'exercice de la nouvelle (il en a écrit des dizaines avant d'entamer la rédaction de ses premiers romans), et un fan assidu de comics et d'anthologies télévisuelles ("Twilight zone" et "Outer space" étaient ses programmes fétiches), il lui a été facile de retrouver l'esprit de ces différents médiums, tout en se permettant quelques folies visuelles qui auraient difficilement passées la censure quelques années auparavant.

5 courtes histoires nous sont ici racontées, liées uniquement par la B.D. dont elles proviennent, un comics jeté à la poubelle par un père autoritaire qui veille à ce que son fils ait des lectures saines (le jeune garçon est interprété par le fils même de King, Joe Hill, désormais écrivain et scénariste...comme papa !).

Romero a réunit un casting plutôt riche, entre jeunes débutants pas encore starifiés (Ted Danson période pré "Cheers" et Ed Harris), et acteurs de seconds plans plus ou moins connus (Leslie Nielsen, qui tournait "Creepshow" entre 2 apparitions dans les films des ZAZ, Adrienne Barbeau, Fritz Weaver, Hal Holbrook, Viveca Lindfors), et offre même un sketch entier à son scénariste-pote Stephen King, ainsi qu'une apparition clin d’œil à son maitre des effets spéciaux Tom Savini.

Des effets spéciaux carrément géniaux, créés par un Savini en très grande forme, et qui pouvait laisser ici libre court à son imagination fertile. Combien de films permettent de créer autant d'effets différents réunis sur un même métrage ? Tout y passe, formidablement photographié par Michael Gornick, et bercé par la musique envoutante de John Harrison. Tous ces noms parlent forcément aux fans, car ils sont des fidèles de Romero depuis le début des années 70, alors que le réalisateur sortait du succès de "La nuit des morts-vivants" et s'essayaient à différents métrages d'horreur ("Martin", "Zombie", "Knightriders").

Father's day : chaque année depuis qu'elle a tué son père, Bedelia vient sur sa tombe le jour de la Fête des pères. Mais cette année, alors que toute la famille est réunie, le papa est bien décidé à se venger, et vient réclamer le gâteau qui lui était dû.

Ce sketch est très fidèle à l'esprit des B.D., et annonce la couleur, entre humour et gore. Viveca Lindfors y tire son épingle du jeu en tueuse bouffée par le remord, et Ed Harris crève l'écran, 1 an d'exploser à Hollywood avec "Under Fire" et "L'étoffe des héros".

The Lonesome Death of Jordy Verrill : un paysan (mais alors bien bouseux et simplet, le gars !) voit une météorite s'écraser dans ses champs. Le liquide qui s'en déverse le transforme petit à petit en...plante !

L'épisode le moins apprécié des fans, le principal reproche qui lui est fait étant l'interprétation de Stephen King. Personnellement, je le trouve hilarant, King surjouant avec outrance le benêt !

Something to Tide You Over : un mari cocu se venge de sa femme et de son amant en les enterrant sur une plage à marée basse, et en filmant leur noyade. Mais les morts reviendront se venger...

Leslie Nielsen incarne formidablement ce salopard qui ne supporte pas l'affront qui lui a été fait, et qui savoure la mort sa vengeance par caméra interposée. Ted Danson joue le jeu...et prouve qu'il a du souffle !

The Crate: Après avoir découvert une caisse contenant un créature vorace, et cachée depuis des décennies sous un escalier de l'université ou il bosse, un prof décide de tuer sa femme acariâtre en la faisant bouffer par la-dite bestiole.

Sans doute le meilleur épisode de cette anthologie, tant au niveau du scénario que de la cinématographie. Drôle et angoissante, cette histoire est un vrai plaisir de cinéphile : Adrienne Barbeau est énorme en bourgeoise alcoolique qui écrase son époux, et un hommage est même rendu à son vrai mari de l'époque, John Carpenter, dont le nom est mentionné sur la caisse découverte, ramenée d'une expédition polaire (un hommage vibrant à "The Thing" !).

They're Creeping Up On You : Un millionnaire vivant reclus et obsédé par la propreté voit son monde s'écrouler quand des milliers de cafards apparaissent dans tous les recoins de son appartement high-tech.

E.G. Marshall (qui a remplacé au pied levé Max Von Sidow) est génial dans le rôle-titre. La surprise finale en a laissé plusieurs bien dégoutés de ces petites bêtes...

Outre ces 5 histoires indépendantes, Romero a également tourné le prologue et l'épilogue, qui voit Tom Atkins (encore un fidèle de Carpenter !) subir la vengeance de son jeune fils après lui avoir interdit la leture de la fameuse B.D..

Alors que le succès du film aurait pu donner de bonnes suites, Romero a préféré se tourner vers la télévision pour faire perdurer l'esprit "Creepshow", en produisant l'anthologie "Tales From The Crypt" durant 4 saisons, de 1983 à 1988. Tous ses plus collaborateurs les plus fidèles issus du film, Gornick, Harrison, Savini et King, y ont d'ailleurs participé. Elle rencontra un fort succès, qui mit même le pied à l'étrier à Robert Zemeckis, Walter Hill, Joel Silver et Richard Donner pour produire "Les contes de la crypte", qui cartonna à la télé de 1989 à 1996, ainsi qu'à 2 longs-métrages de cinéma, "Demon Knight" et " Bordello of Blood".

"Creepshow" eu 2 suites peux heureuses : une première, sortie en salles en 1987, réalisée par Gornick et scénarisée par Romero d'après 3 histoires écrites par Stephen King, et une deuxième sortie en DTV en 2006, aucunement liée aux initiateurs de l'original.

Le bluray édité par Warner Bros aux États-Unis est de bonne qualité (avec vf et vost-fr): couleurs vives,  grain cinéma conservé, et bande son en 2.0 assez dynamique. Hélas, il n'y a aucuns bonus à se mettre sous la dent... Contrairement au pressage anglais qui lui, en est bardé (et repris de l'édition dvd double collector) : commentaires audio de Romero et Savini, making-of (90 mns !), scènes inédites (15 mns), et un retour en image sur les effets spéciaux (26 mns). Mais cette édition, même si elle bénéficie d'une bande son remastérisée en 5.1, ne possède ni vf ni sous-titres français...

L'édition ultime de ce petit chef d’œuvre d'horreur et d'humour noir se fait donc attendre en France !